And it's true we are immune,
Broken bottles under children's feet





Mais qu'est ce qu'elle fous ?
Ça fait depuis longtemps qu'on se connait, et à chaque fois elle arrive en retard.
On pourrait croire qu'elle le fait exprès, mais je vous jure que non, pourtant. De toute façon je la connaît par cœur.
Enfin bref j'attends à notre point de rencontre habituel près du cerisier. Il a prit des douces couleurs pastels et le vent léger fait virevolter les pétales de fleurs roses. J'en ai plein les cheveux. Je doit avoir l'air comique, mais j'ai pas envie des les enlever. Peut-être que ça me donne un air romantique, en plus.
Je suis adossé au tronc, une brindille dans la bouche. Je l'ai toujours attendue comme ça, parfois endormi, parfois rêveur. Peut être est-ce moi qui est toujours en avance, finalement. C'est fort probable, d’ailleurs. Enfin, peu importe, elle est toujours venue, c'est le plus important.
Je sais même plus comment ce lieu est devenue notre endroit de rencontre, notre 'place secrète'. Effectivement, c'est un petit cerisier à part qui n'a pas vraiment ça place parmi les autres conifères, dans une petite clairière entourée par des arbres sombres. Cet endroit est toujours baigné d'une lumière très vive, qui fait vraiment ressortir les couleurs éclatantes du cerisier, cet arbre qui se détache des autres.
Je crois qu'on était tombé dessus un jour, alors qu'Ivy et moi étions en pleine partie de chasse. On cherchait une proie à tirer, et on est tombé, par pur hasard, sur cet endroit un peu oublié. C'est bizarre, c'était comme si cet arbre nous avait attendu jusqu’à ce qu'on le découvre. Comme si il avait toujours été là, patientant sur la venue de ses hôtes...
Wow, je commence à raconter n'importe quoi.
D'ailleurs, elle arrive. J'entends ses pas feutrés non loin, et j’aperçois déjà sa chevelure rousse qui, même dans la lumière crépusculaire, ne passe jamais inaperçue.
Est-ce le bruit de ses pieds foulants le sol de plus en plus vite ou mon cœur qui bat de plus en plus fort ?
Hé, Simon, calme-toi, vieux. C'est flippant.
Je me retourne, adossé à mon tronc la brindille entre mes lèvres et ferme les yeux, faisant semblant de pas ne l'avoir entendue.

let it be, let it be, let it be, let it be, whisper words of wisdom, let it be.

Le soleil ne tarderait pas à se coucher. Le ciel commençait à se colorer de manière on ne pouvait plus poétique. Les nuances de rouge, de rose et d’orange se mélangeaient en harmonie dans le ciel. En face de ce spectacle, Ivy se balançait d’avant en arrière sur sa chaise. Stressée ? Non, juste un peu nerveuse. Ses ongles étaient devenus inexistants, les quelques morceaux qui subsistaient encore ce matin-là étaient partis dans l’estomac de la jeune femme. Pourquoi était-elle aussi stressée, Peut être parce qu’elle avait échappé de peu à Elly qui la cherchait ? Oui, ca devait être ca. Il arrivait à la mettre dans un état de nervosité constante. Encore un défaut qu’elle pouvait ajouter à la longue liste dédiée au jeune homme. Lukaël la regardait, un air mi-amusé, mi-soucieux dessiné sur le visage. Elle le remarqua au bout de quelques instants et le fusilla du regard. Comme seule réponse, il lui sourit, la regardant dans les yeux, un air de défi sur le visage. Il finit par lâcher « Tu n’étais pas censée retrouver Simon ? » Elle fit un bon sur sa chaise en lâchant un cri qui aurait put être comique si la situation n’avait pas été désespérée. Enfin elle sur dramatisait. Un peu. « Merde ! » Deux secondes plus tard, Luke tourna la tête vers la porte. Allivya avait disparu.

Elle avait juste pris le temps d’attraper sa veste et son arc (on était jamais trop prudent) et elle s’élança à travers les ruelles de la cité. Elle croisa quelques personnes à qui elle fit un signe de la main mais ne s’attarda pas. Simon devait déjà être arrivé. Il était toujours en avance. Et elle en retard. Elle accéléra le pas.

Il était là, sa nuque baignant dans la fraiche brise qui soufflait sur la plaine. Ivy ralentit. Il était toujours là. Il n’était pas partit à cause de son retard. Il avait l’habitude. Et puis s’il lui était arrivé quelque chose, il l’aurait su. Parce qu’il le savait toujours. Elle sourit en s’approchant. Elle posa son arc derrière l’arbre et s’assit à côté de son ami, un sourire en coin accroché au visage. C’était plus fort qu’elle. La présence de Simon la rendait heureuse. Plus de la même manière depuis quelques temps, mais elle avait toujours besoin de lui, de sa présence à ses côtés. Elle passa une main dans ses cheveux roux, dégageant ses yeux avant de s’adosser au cerisier, la tête posée contre l’épaule de Simon. « Salut beau gosse. » finit-elle par murmurer. Parce qu'il était beau Simon. Il avait des cheveux à tomber, une voix magnifique et des yeux envoûtants... Elle n’avait pas haussé la voix. Le spectacle du soleil qui continuait sa course vers d’autres contrées était trop beau pour être interrompu par un quelconque cri.

We're just two lost souls
Swimming in a fish bowl



« Salut beau gosse. »
Tiens tiens, qui voilà.
Ivy s'est posée en douce sur mon épaule, toujours en me réservant son sourire, que je lui rends avec autant de mystère que le sien.
« Salut » , je lui réponds, dans un murmure vite emporté par le vent.
Le surnom employé me fait rougir, même si je ne le veux pas. C'est plus fort que moi, que voulez-vous.
J'enlève les pétales roses de mes cheveux, qui commencent sérieusement à faire un petit tas assez pathétique. Je passe ma main dans mes boucles folles qui se remettent en place immédiatement, et je profite aussi pour enlever celles d'Ivy, avec plus de douceur évidemment, d'une caresse tendre dans ses cheveux qui s'enflamment à la lumière du crépuscule.
Cette même lumière qui commençe déjà à s’éteindre. Le soleil mourant laissera bientôt sa place à la lune. Ce moment ne dure jamais longtemps, mais il est vraiment magnifique, surtout quand vous avez une jolie rousse qui soupire sur votre épaule et des pétales de cerisier qui vous tombe dessus, vous pouvez me croire. De toute façon j'ai toujours pensé que les plus beaux moments sont toujours les plus courts.
Si seulement on pouvait suspendre le temps, rester ici pour regarder un crépuscule infini...
Arrête de dire des trucs idiots, Simon. Cette fille te fait complètement tourner la tête. Elle m'a toujours fait tourné la tête, comme elle doit faire tourner la tête aux autres mecs que moi, d'ailleurs.
Eh oui, on peut pas garder une jolie rousse comme ça pour soi. Dommage.
Les lueurs flamboyantes faiblissent petit à petit, laissant le ciel estompé d'une fine couleur rose et orange. Les étoiles commencent déjà à se dessiner, le vent souffle un peu plus fort au dessus de nos têtes. Mais on reste là, coupés du monde. C'est d'ailleurs ce que j'aime dans cet endroit; vous êtes complètement coupés du monde.
Je passe doucement ma main dans ses cheveux rebelles. J'observe ses yeux, son visage.
Je sais pas quoi lui dire. Peut être qu'il y a rien à dire après tout. Pourtant j'ai l'étrange impression qu'elle veux justement m'entendre dire quelque chose.
Sans trop savoir pourquoi, je suspens mon geste, gêné.
Je tourne la tête. Je suis vraiment pas très bavard.

let it be, let it be, let it be, let it be, whisper words of wisdom, let it be.

« Salut » Finit-il par murmurer. C’était incroyable ce qu’il pouvait être loquace comme personne. Ivy soupira. Elle devrait encore faire toute la conversation. Peut-être devrait-elle simplement se taire ? C’était plus simple. Elle aimait la facilité, au fond.

Sans prévenir, le jeune homme passe sa main dans les cheveux de son amie, créant un sentiment bien trop dangereux pour la demoiselle. L’affection. Elle s’était toujours dit qu’elle ne s’attacherait pas. Parce que lorsqu’on s’attachait, on pouvait perdre ce à quoi on l’était, ce qui faisait souffrir. Enormément. Pourtant elle avait échoué. A maintes et maintes reprises. Avec Lukaël, d’abord. Puis avec Simon et enfin Elly. Sans oublier tous ses « amis ». Même si elle était loin d’être prête à se mettre en danger pour ces derniers, ils comptaient pour elle et leur perte serait désastreuse. Pour les trois premiers, en revanche, elle était prête à tout remettre ne question, changer, se métamorphoser, devenir quelqu’un d’autre, risquer sa vie, la perdre même. C’était dangereux de s’attacher, définitivement. Mais on n’y pouvait rien. C’était le propre de l’être humain. Seul, il est faible.

Elle se blottit encore plus fortement contre lui. C’était un automatisme à présent. La chaleur de son corps la rassurait. Elle se sentait en sécurité ici, invincible. C’était le seul à pouvoir faire naitre cette sensation en elle. Elly l’énervait au plus haut point et Luke la rendait plus forte. Simon la rassurait, ce qui faisait d’elle une personne faible et vulnérable. Elle n’aimait pas ca. Pourtant elle en redemandait toujours, revenant presque chaque soir ici. C’était de l’inconscience pure.

Elle finit par se redresser et par prendre la main de Simon dans la sienne avec un grand sourire. Le soleil avait complètement disparu derrière les collines et le noir commençait à régner sur les plaines. Alors Ivy saisit son arc et ses flèches en attirant Simon avec elle. Elle gardait ses doigts enlacés aux siens, sans jamais cesser de sourire, lâchant finalement d’une voix douce. « Il va bientôt falloir rentrer… » Puis elle s’approcha encore plus près du jeune homme. Elle ne savait pas trop pourquoi elle faisait ca, c’était instinctif et, alors que leurs visages n’étaient plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, elle déclara dans un murmure « Ou alors… » Elle s’interrompit un instant pour savourer la sensation de son corps presque complètement collé à celui de Simon. Pourquoi faisait-elle ca ? Elle ne l’aimait plus mais elle continuait d’agir comme si c’était le cas. Mais bon, Simon la comprenait. Il comprenait toujours. « On peut aussi partir chasser. Pendant la nuit. Ca peut être amusant ! » Elle sourit, toujours appuyée contre lui, le visage presque contre le sien, leur nez a quelques millimètres l’un de l’autre.