a little touch of heavenly light ▽ KAHL.

to get a dream of life again
a little vision of the sight at the end
but all the choirs in my head say no

La poussière virevoltait dans les pas saccadés de la jeune fille qui traînait les pieds. Le visage crispé, la bouche entrouverte, elle tendait une main inutile vers le soleil qui semblait prendre à cœur de l'éblouir de ses rayons. Isalys étouffa un bâillement tout en traversant les jardins de la villa des Azariel, peu étendus mais si bien entretenus. Sa mère voulait qu'en toute circonstance, leurs apparences soient irréprochables, et que rien ne vienne corner leur image qui s'affermissait au fil des années ; de famille peu notable, les Azariel étaient devenus appréciés et remarqués à AnkNor. Habituellement, la jeune fille se faisait une joie d'imaginer que l'on pouvait se retourner sur son passage et chuchoter lorsqu'elle faisait quelque chose. Voir les visages se crisper de jalousie, l'émerveillement devant la finesse de ses vêtements, devant la façon dont elle levait la main en cours pour faire part de son incommensurable connaissance. Elle avait surtout tendance à bien trop interpréter toute réaction, en réalité. Mais ce matin, tout ce qu'elle aurait désiré, n'aurait été qu'un oreiller tombé du ciel par l'intervention de quelque puissance divine, exactement devant ses pieds. Quelque chose qui lui permettrait d'oublier que malgré son aspect toujours aussi agréable et soigné, elle était d'une humeur massacrante et que cela allait continuer toute la journée si rien ne la détournait de son agacement et surtout, de sa fatigue.

Pour autant, malgré qu'elle se serait bien vue défouler sa colère sur quelqu'un d’innocent, elle réalisait que cet énervement n'était du qu'à une habitude qui faisait qu'elle était toujours de mauvaise humeur. Elle avait conscience plus que tout de son mauvais caractère, mais partait du principe que c'était grâce à lui qu'elle arriverait bien plus haut que d'autres, trop faibles pour savoir s'imposer. Elle savait donc qu'en ce moment-même, elle ne regrettait pas de s'être tirée du lit pour aller retrouver Kahl, avant que les cours ne commencent. Elle avait même tendance à apprécier ça, et tentait de ne pas remarquer que c'était plus que de mesure, d'ailleurs. Mais ne s'oubliant pas elle-même, elle se devait quand même d'être énervée. Parce qu'il en était toujours ainsi, et que si elle s'adoucissait un jour comme cela, sans raison, la vie serait beaucoup moins animée, pour elle comme pour ceux qui l'entouraient. Alors partagée sur le comportement à tenir, elle rejeta sans attention sur une bête volante qui lui tournait autour et commença à la repousser avec des mouvements assez désordonnés et plutôt violents étant donné la cible. Bientôt, elle aperçut la haute tour de l'école des aspirants, qui ne se trouvait qu'à quelques minutes à pied de chez elle, raison pour laquelle, pour une fois, elle ne rechignait pas sur la distance à parcourir pour y arriver. Tous les bancs étaient libres, dans le petit jardin enserrant le bâtiment, et elle se laissa tomber sur le premier venu avec un soupir de soulagement. Comme toujours ou presque, elle était la première et se contenterait d'attendre son ami jusqu'à ce qu'il daigne se montrer. Cela ne fit qu'aggraver son agacement qui finit par se traduire par des coups répétés dans le sol, en un stacatto régulier.

Elle tenta de se dire que non, non, elle ne s'était pas levée juste pour le voir un peu avant le début des cours, que non, elle n'était pas énervée parce qu'il n'était pas là, et que non, elle ne tournait pas la tête dans tous les sens pour l'apercevoir le plus vite possible. Non, elle tentait de se convaincre que tout ça n'était pas réel, et qu'elle ne pouvait pas éprouver un ressentiment profond pour Kalh, alors qu'elle brûlait en même temps de voir ses traits, pour la première fois de la journée. Cette incohérence la dépassait et happait ses pensées, quand elle y réfléchissait ; c'était d'ailleurs la raison pour laquelle elle évitait le plus souvent de se poser ces questions métaphysiques qui ne la mèneraient nulle part. Mais ce matin, alors qu'elle n'avait absolument rien d'autre auquel penser, elle ne put s'empêcher de dériver vers son incompétence à se trouver d'accord avec elle-même lorsqu'il s'agissait de lui. Alors qu'elle allait arriver dans la phase où elle se fustigeait de se laisser aller à cette faiblesse, elle l'aperçut, encore à moitié caché par les branches d'un arbre. Enfin.

Silencieuse, elle le regarda s'approcher, et ne tint pas compte de ce qu'il pouvait faire ou dire. Elle le regardait, immobile, le regard froid et pourtant si triste. Elle ne dit rien, jusqu'à ce qu'il se trouve près d'elle. Elle avait vraiment très envie de partir sans lui dire un mot, pour lui faire comprendre qu'on ne faisait pas attendre quelqu'un qui vous attend, justement. Isalys aurait sûrement planté là n'importe quelle personne, mais elle ne pouvait se résoudre à le faire avec lui, et ne savait même pas pourquoi. Elle se contenta donc de ne rien dire pendant quelques secondes, ce qu'elle jugea très léger en comparaison de ce qu'elle pouvait faire. Puis, n'y tenant plus, elle le regarda vraiment, effaçant la colère de son regard, et lui sourit. « C'est... pas trop tôt. » dit-elle toujours avec le même sourire, même si l'on sentait percer une pointe d'ironie derrière. Elle espérait qu'il comprendrait à quel point elle faisait des efforts pour ne pas le heurter trop violemment de si bon matin. Surtout que la veille, alors qu'il était passé chez elle lui apporter les cours qu'elle avait manqué, la jeune fille l'avait repoussé de manière peu délicate. C'était peut-être cela qui avait agi comme un déclic sur elle, se rendant compte qu'elle ne pouvait plus continuer ainsi. Parce que ce matin-là, elle était vraiment bien plus mesurée que d'habitude, à tel point qu'elle s'étonnait elle-même. Pour un rien, un minuscule rien, elle était capable de s'énerver jusqu'à ce que personne ne puisse la raisonner et qu'elle n'ait plus qu'à se partir seule pour retrouver un semblant de raison. Elle était toujours pleine de colère, bouillante d'une rage dont elle ne connaissait pas la source, qu'elle contenait, jusqu'au moment où...

« Je ne me suis pas montrée très gentille hier soir. Non pas que ce soit dans mes cordes, d'être gentille, mais je reconnais que je suis allée trop loin. Tu ne voulais que bien faire, et c'est moi qui ait... » sa voix s'éteignit aussi rapidement qu'elle s'était levée, Isalys ne sachant pas que rajouter. Faire des excuses, cela lui arrivait si rarement, alors elle n'était pas très douée pour ça, même si elle refusait de l'avouer, bien sûr. En riant, elle ajouta : « Tu penses pouvoir me supporter, juste aujourd'hui ? ». Elle priait intérieurement pour que leurs places ne soient pas échangées, et qu'il ne décide pas de la rejeter comme elle, elle-même, le faisait souvent. Elle priait Kaïa, tous les dieux possibles, parce qu'elle ne saurait que faire si cela arrivait. D'une voix peu assurée qui se voulait pourtant ferme, elle crut bon de plaider une nouvelle foi sa cause en se présentant sous un meilleur jour. « Pas trop fatigué ? » lâcha-t-elle d'un ton doux et sous toutes apparences vraiment intéressé par la réponse.

A cet instant, elle réalisa qu'il ne lui résistait plus que les prières. Égoïstes.
Elle s'y jeta à corps perdu.

fiche par yellowflag.

Ce fut le temps d’un battement de paupières, et elle me regarda sans me voir, et ce fut la gloire et le printemps et le soleil et la mer tiède…

Les premières lueurs du jour chatouillèrent agréablement le visage diaphane du garçon, qui battit brièvement des paupières, tiré de sa rêverie. Kahlahan observait attentivement, depuis déjà quelques longues minutes, du fond de son lit, le merle posé sur le rebord de la fenêtre. Le vent bruissait à travers la vitre, le soleil jouait entre les feuillages, projetant ses reflets mordorés sur les murs de sa chambre. Il se fit violence, sautant hors du lit en baillant, quittant la chaleur de sa couette presque à regret. Il n’avait généralement aucune difficulté à s’arracher aux bras de Morphée et si ses parents avaient quitté la villa depuis longtemps, sa sœur, contrairement au reste de la famille, devait encore dormir. Il aurait pu s’accorder une heure de sommeil supplémentaire, largement mérité, mais il n’aurait, de toute manière, pas été capable de s’endormir. Il n’avait même pas été en mesure de trouver le sommeil cette nuit, les chances pour qu’il le gagne maintenant étaient infimes, voir inexistantes. Il s’était trouvé victime d’une insomnie, il supposait son amie et l’attitude qu’elle avait eue la veille au soir en cause. Il soupira, marmonnant jusqu’à la cuisine, où l’attendait une servante qui l’accueillit avec un grand sourire, le saluant fort peu protocolairement. Il prépara en sa compagnie, comme il en avait l’habitude, son petit-déjeuner, avant de s’installer à la table familiale, fredonnant quelques notes de musique que des bardes avaient joué dans les ruelles de la ville quelques jours plus tôt, annonçant le début du festival. Il mordit dans sa tranche de pain, préalablement tartinée de beurre et trempée dans son lait. Ce genre de festivité ne l’intéressait pas, convaincu que participer aux réjouissances comportaient plus de risques que d’avantages, les Pacificateurs profitant souvent de telles occasions pour frapper. En revanche, certaines personnes de son entourage n’hésiteraient pas à se joindre à la foule de badauds. Ses pensées s’orientèrent instantanément vers sa sœur jumelle, Laëlys, qui n’avait toujours pas quitté sa chambre. Il s’interrogea : avait-elle ne serait-ce que passé la nuit ici ? Le jeune homme soupira, vidant son verre d’un trait. Sa sœur jumelle était impulsive, têtue et peu importe ses protestations, elle faisait toujours ce qu’elle voulait. Ils entretenaient pourtant une bonne relation, presque fusionnelle, en dehors de ses rapports avec la gente masculine et de sa jalousie maladive, bien sûr. Il roula des yeux, songeant à la conversation qu’ils avaient eue dans la semaine. L'adolescent joua doucement avec son verre, le faisant tourner entre ses doigts, inquiet pour sa sœur. Décidant que se torturer l'esprit de si bon matin n'était pas un choix judicieux, Kahl avala rapidement son déjeuner, acheva de se préparer et quitta la villa, fin prêt et son sac sur l’épaule.

En traversant l'avenue des douze fleurs, Kahlahan s'attarda sur la propreté des jardins, jugeant l'aspect des villas, s'interrogeant sur les secrets que renfermaient ces murs. Il se lassa bien vite de la perfection des lieux, trouvant plus agréable la contemplation du ciel, vide de nuages, qui annonçait une chaude et agréable journée. C'est la haute tour de l'école qui le ramena sur terre et prenant brusquement conscience de son retard, il accéléra le pas, furieux contre lui-même et pressé de retrouver son amie, inquiet de ne pas la voir dans les jardins en arrivant. Il l'aperçut, bien avant qu'elle même ne le remarque, à travers le dru feuillage verdoyant d'un vieil arbre, qu'il écarta d'une main. Isalys l’attendait, seule, assise sur un banc. Comme toujours. Il s'avança, lui adressant un signe de la main, auquel elle ne répondit pas, le tançant d'un regard froid. Elle s'entêta à conserver un air neutre, semblable à une statue, qu'il ignora, habitué à ses sauts d'humeur. La jeune femme lui donnait l'impression, chaque matin, de ne pas être arrivé suffisamment tôt, de ne pas sourire avec assez de sincérité ou de ne pas la saluer comme il le fallait. Heureusement, le soulagement qu'il discernait dans ses yeux lorsqu'il apparaissait enfin le consolait. Arrivé près d'elle, il ne prit pas tout de suite place à ses côtés, guettant sa réaction, étudiant ses prunelles. Elle sourit alors et ses propres hésitations s'envolèrent, emportées par un torrent de joie.

ISALYS - « C'est... pas trop tôt. »
KAHLAHAN - « Bonjour, Isalys. Moi aussi, je suis content de te voir, tu as l'air de bonne humeur ce matin. »

Il se laissa lourdement tomber à ses côtés, la gratifiant d'un sourire avant de passer la bandoulière de son sac au-dessus de sa tête, l'abandonnant finalement au sol. Il étudia discrètement les traits de son visage délicat. Elle souriait, c'était le principal, une preuve qu'elle ne lui en voulait pas tant que ça pour ce qu'il avait dit la veille. Elle semblait réellement ravie de le voir, qui plus est.

ISALYS - « Je ne me suis pas montrée très gentille hier soir. Non pas que ce soit dans mes cordes, d'être gentille, mais je reconnais que je suis allée trop loin. Tu ne voulais que bien faire, et c'est moi qui ait... »

Il eut toutes les peines du monde à dissimuler sa surprise. La jeune femme n'était pas particulièrement conciliante, connue dans toute l'école pour son aptitude à rejeter les autres. Ainsi, qu'elle s'excuse lui semblait étrange, même à lui, habitué à ses regards durs et à ses remarques cinglantes. Isalys s'était tût brusquement, visiblement incapable de poursuivre, cherchant ses mots. Il baissa les yeux sur ses mains, esquissant un bref sourire, hésitant sur la manière de formuler sa réponse.

KAHLAHAN - « Je suis désolé, moi aussi. Je te savais fiévreuse et j’ai quand même cherché les ennuis. Ce que tu as dit, je l’ai certainement mérité. Tu es quelqu’un de bien, Eléa, et tu as tort de penser le contraire. Moi, je sais que c’est faux, que ce n’est qu’une façade pour te protéger. »
ISALYS - « Tu penses pouvoir me supporter, juste aujourd'hui ? »

Il haussa les épaules, ponctuant son geste d'un sourire. La douceur de son rire, la plus belle musique qui soit, le fit frissonner. Isalys ne riait pas souvent, plus en sa présence qu'avec les autres éléments, mais il appréciait ces instants rares, certain d'être la seule personne sur ces terres à les mériter. Il prit beaucoup de plaisir à faire durer sa réflexion, restant muet une longue minute, les yeux levés vers le ciel.

KAHLAHAN - « Je t’ai supporté jusqu’à aujourd’hui, je ne vois pas pourquoi les choses changeraient maintenant. Hum, mes sales habitudes et ma manie d'arriver en retard, toi, tu arriveras à les supporter ? »
ISALYS - « Pas trop fatigué ? »
KAHLAHAN - « Non, ça va, j'ai dormi comme un bébé. Et toi ? Tu te sens mieux, j’espère ? »

Menteur, susurra la voix de sa conscience. Un bien petit mensonge, qui n'aurait aucune conséquence, sans la moindre importance. Une étrange sensation tordit pourtant son estomac et il pinça les lèvres, se tordant les mains. Aussi désagréable s'était-elle montrée, il n'avait même pas envisagé de l'ignorer, en revanche, s'attirer à nouveau ses foudres semblait le gêner, lui qui se faisait d'ordinaire un plaisir d'attiser sa mauvaise humeur matinale.

come on, come on
put your hands into the fire
explain, explain

Elle decida de ne pas relever sa remarque riche en ironie, si fidele a celles qu'il avait l'habitude de lui servir des qu'il la voyait. Habituellement, elle prenait un malin plaisir a lui repondre, et leurs joutes verbales l'amusait beaucoup, mais elle n'en fit rien. Pour une fois, elle le laissait dire ce qu'il voulait sans le contredire, parce qu'il etait vrai qu'elle aurait pu demarrer la conversation avec quelque chose de plus sympathique. Isalys n'avait jamais ete douee pour commencer, ou encore pour parler, tout simplement. Elle n'aimait pas raconter sa vie en long et en large, analyser les sentiments qui l'habitaient et ce qui la poussait a agir, dans quel but. La jeune fille avait conscience de son incapacite a faire parfois preuve de compassion et d'empathie, mais elle refusait d'y songer, voyant cela comme de la reflexion superflu. A quoi bon s'encombrer l'esprit de questions qui demeureraient a jamais sans reponses ?

Mais elle sentait que quelque chose avait change, la veille. Elle venait de s'excuser, de se livrer comme jamais elle ne l'avait fait et ne le referait jamais plus. Pas une seconde, l'idee qu'il puisse se moquer d'elle ne lui avait traverse l'esprit, mais alors qu'elle l'entendit proferer un premier son, elle se surprit a penser qu'elle avait peut-etre fait une erreur en allant jusqu'a s'excuser. Mais il etait comme toujours, si gentil. Trop gentil. « Je suis désolé, moi aussi. Je te savais fiévreuse et j’ai quand même cherché les ennuis. Ce que tu as dit, je l’ai certainement mérité. Tu es quelqu’un de bien, Eléa, et tu as tort de penser le contraire. Moi, je sais que c’est faux, que ce n’est qu’une façade pour te protéger.» Etait-il serieux ? Pour tout ? Les sourcils d'Isalys s'arquerent sous la surprise, tandis qu'elle laissait pourtant passer cela, le temps de mediter sa reponse. Poser une autre question lui permettrait de reflechir. Pendant une longue minute, elle attendait sa reponse, patiente, tandis que les mots s'entrechoquaient dans sa tete. Elle detestait cette effusion de pensees qui la laissaient desemparee devant sa propre conscience. Alors qu'elle avait fait l'effort de s'excuser, il avait cru bon de s'accabler malgre tout. Qu'etait son objectif dans tout cela ? Isalys savait qu'elle avait eu tort et avait eu le courage de l'avouer, mais bien que ce soit une situation exceptionnelle qu'il aurait du apprecier, il la protegeait toujours de la realite des choses. Il n'avait rien merite, elle avait ete injuste, et cela etait parfaitement clair dans sa tete ; elle n'avait pas ete quelqu'un de bien, a ce moment-la. Pourtant tenait-il tant a lui dire que le contraire etait de mise ? Il avait meme utilise son deuxieme prenom a nouveau, tout comme la veille. Une facade ? Comment pouvait-il affirmer avec sincerite qu'il savait ce qu'elle etait vraiment et ce qu'elle cachait ? La jeune fille se retint de plonger sa tete dans ses mains, tant les mots de Kahl etaient justes, ce qui l'agacait et l'exaltait en meme temps. Personne ne pourrait jamais la comprendre, parce qu'elle serait toujours une entite evoluant seule pour son propre avenir ; mais cela etait si beau de penser que, peut-etre, ce n'etait pas le cas. Que peut-etre, le chemin qu'elle s'etait choisi pouvait lui sembler plus doux et moins contraint, si quelqu'un la supportait dans ses actes. Cela faisait beaucoup de peut-etre, et elle avait du mal a croire aux suppositions. Il la coupa dans ses elucubrations lorsqu'enfin, il lui repondit. « Je t’ai supporté jusqu’à aujourd’hui, je ne vois pas pourquoi les choses changeraient maintenant. Hum, mes sales habitudes et ma manie d'arriver en retard, toi, tu arriveras à les supporter ? » Elle rit a nouveau, et le son cristallin qui franchit la barriere de ses levres la derida un peu, l'empechant de trop s'enfoncer dans ses meandres interieurs. De s'y perdre. « Je crois que je m'y suis faite, moi aussi. Tu ne serais pas toi, si tu n'arrivais pas en retard. ». Alors qu'elle le fixait d'un air mysterieux, elle vit bien ses mains se tordre en meme temps qu'il affirmait pourtant qu'il avait passe une nuit comme tout le monde pourrait en rever. Elle sentit bien qu'il s'etait crispe, et rien que ses doigts emmeles trahissait une certain gene, un malaise, un mensonge. Il ne faisait quasiment jamais ca, et elle le savait parfaitement. Elle en profita alors pour se montrer plus serieuse, toute entiere devouee a sa tache qui etait maintenant d'extirper les pensees de la tete de Kahl. Elles n'etaient pas si belles que son sourire. Son sourire. Pourquoi pensait-elle a son sourire ? « Tu t'es encore excuse. Pourquoi est-ce que tu t'obstines a rejeter la faute sur toi ? Je sais tres bien que je ne suis pas aussi gentille que toi, et que je suis loin d'etre aussi pardonnable. Alors accepte au moins que je m'excuse sans essayer d'attirer la culpabilite. Je n'avais pas le droit de te parler comme je l'ai fais. » Elle ne lui avait jamais parle comme la veille, n'avait jamais ete aussi froide. Et a ce moment-la, sur le banc, elle n'avait jamais ete aussi sincere. L'un et l'autre, ils partageait beaucoup, sans jamais se focaliser sur l'essentiel. Ce qu'ils pensaient, ce qu'ils voulaient, leurs emotions, leurs sentiments. Jamais ils n'avaient eu une conversation serieuse concernant cela ; le moment semblait pourtant venu. « Tu penses que lorsque je suis distante, ce n'est qu'une facade ? Que lorsque je m'enerve, ce n'est pas vrai ? » Elle inspira profondement, le fixa un instant puis detournant le regard. Elle aurait voulu partir si loin, maintenant qu'elle disait de pareilles choses. Une felure s'etait epanouie en elle. « Je ne suis pas quelqu'un de bien comme toi. Penser aux autres, faire le bonheur des autres, ca ne m'interesse pas. Et je ne cherche pas a ce que tu me contredises ou que tu me rassures, parce que je le sais. Je suis intolerante, impatiente, et je deteste avoir tort, j'en ai conscience, et je le sais, parce que cela fait partie de moi. Je sais que je ne suis pas quelqu'un de bien. » Mais... « Mais peut-etre que je suis quelqu'un de bien pour toi ? » Elle ne savait pas vraiment s'il s'agissait d'une question, d'une negation implicite ou d'une affirmation personnelle. En revanche, elle savait qu'elle n'avait pas la force de le regarder et de plonger ses yeux dans son regard si doux, apres avoir dit tout cela d'un ton si determine. Presque insensible, exterieurement.

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