Le marché avait lieu sur la grande place centrale de la ville Cendre. Marchands et brigands s'y retrouvaient quotidiennement pour traiter leurs affaires. On y trouvait toute sorte de chose : entre la dizaine de paysans venus vendre le fuit de leur culture - qu'ils s'agissent de bétails ou d'agriculture - deux tisserands se disputaient la renommée de la plus belle étoffe, quand un négociant fournissait écuelle et autres objets en tout genre. Nul ne pouvait se plaindre des produits, toujours frais et de bonne qualité. Le seul fait qui justifiait les cris incessants des Jurilans étaient les hausses récentes des prix.
On entendait jusque la rue du forgeron - qui grouillait de monde à cette heure - l'indignation des cendres. C'est dans cette grande artère commerciale que se trouvait la Gouse d'Ail, taverne sans réputation aucune, si ce n'est peut-être les nombreux débats qui depuis deux ans maintenant animaient l'établissement. Celui-ci était assez grand pour accueillir la rue entière, mais n'était tenu que par la famille Gainelorr, la confiance n'étant pas l'atout principal de cette tribu. Ainsi l'on voyait le père, la mère et la fille, s'activer, chacun à son poste : Gaëlys s'activait en cuisine, et aidait le père au service de table, quand la fille, tenait la barre au comptoir. Il n'était cependant pas rare, que submergé par une charge importante de travail, Elyn doive servir les tables et apporter son aide en cuisine.

Alors que le service de midi venait de commencer, la taverne était déjà remplie de clients affamés. Ainsi la jeune femme, à l'instar de ses parents s'agitait derrière son comptoir, exerçant avec le plus de sympathie et de rapidité son travail. Cendres, bandits, Perles et Quartz venaient se restaurer. Elyn constatait ainsi, que sous l'évidente différence des costumes, tous étaient semblable. En effet, aucun n'omettait un regard condescendant quelque soit son statut. Rare était ceux qui oubliaient de la regarder avec envie, comme s'il eut s'agit d'une femme de joie, venue satisfaire le plaisir de ces messieurs. C'est pourquoi elle avait toujours le dégout des hommes dans la force de l'âge, qu'elle choisissait de servir en dernier lieu. Ses faveurs se tournaient vers les individus respectueux et désintéressés. Cependant, elle avait appris à se méfier, le métier étant rentré à force de déception, elle avait compris que les ardoises pouvaient se remplir et se remplir sans jamais être effacée, et qu'il fallait parfois faire preuve de sévérité pour obtenir son dû.

Ce midi justement, un homme était venu s'installer au comptoir face à elle. Il avait commandé du lait de chèvre et une belle tome de fromage, ainsi qu'un peu de pain. Se montrant serviable et agréable, ils avaient tout deux entamés une conversation. L'homme était Quartz et travaillait comme marchand d'épices depuis peu. Il proposait même à la jeune femme, de fournir la taverne de ses herbes. «Vous savez nous nous fournissons déjà ailleurs. Chez Leroy-Mesmin & fils. Des concurrents à vous je suppose ? Mais.. » La jeune femme avait commis l'erreur de se retourner pour attraper l'hydromel qu'elle s'apprêtait à servir à un nouvel arrivant. Son interlocuteur s'était enfui, emportant avec lui jusque son verre et son écuelle. La jeune femme posa la bouteille d'hydromel avant de s'élancer à sa poursuite. Elle s'arrêtait sous la devanture, voyant l'homme déjà loin devant elle. «Crois moi tu payeras ton reste et plus encore si je te retrouve moi-même! VOLEUR !» La serveuse, indignait criait son avertissement dans la rue. Elle rentrait comme une furie dans la taverne, servir son hydromel au pauvre homme qui l'avait commandé juste avant l'incident. On entendit alors dans un brouhaha sans nom, chacune des tables aller de son commentaire. Le père lui même, vint près de sa fille lui lancer ses mots : «Tu as voulu accueillir les Glauque ici, voilà ce que tu récoltes. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même!» Elyn le regardait, sa colère ne faiblissant pas. «Premièrement on dit Quartz, pas Glauque. Ensuite, tes propos sont honteux. Les cendres ne sont pas voleurs peut-être ? Ce sont tous des saints, évidemment... » La jeune femme qui connaissait la méfiance de ses parents envers les Quartz, doutait tout de même qu'il puisse penser pareil chose. Il lui semblait que celui-ci voulait provoqué les débats qui commençaient à faire la popularité de la Gouse d'Ail et qui attiraient de nombreux novices en politique, voire de simple commères.

En regardant le soleil dans le ciel, je me rendis compte que la matinée était déjà bien avancée et je décidais alors qu'il était temps pour moi d'aller me restaurer.
Je partis donc du site de construction, pour remonter vers la place du marché qui à cette heure-ci était bondée, tout ce bruit, la vie agitée et réglée de touts ces badauds qui traversent le temps sans se poser de questions, toutes ces vies si actives... Alors que je me perdais dans mes pensées mes pas me menèrent d'eux-mêmes à la gousse d'ail, un établissement sans prétention, mais qui la journée rassasiait son homme et le soir venu saoulait les soiffards.
Je m'assis donc machinalement au comptoir afin de me sustenter et afin de patienter de façon agréable je commandais un peu d'hydromel à la jeune et charmante fille du tavernier qui s'occupait du comptoir aujourd'hui. Je me rendis compte alors que j'étais assis à côté de l'un de ces nouveaux étrangers de la ville, les Quartzs, ces hommes et ces femmes m'insupportaient, ils sont là, à trainer en ville en profitant du travail d'autrui, ce ne sont que des parasites selon moi, heureusement que l'accès à la vile Perle leur est interdit.
Bien malgré moi, j'entendis la conversation entre la jeune fille et cet homme, elle semblait charmée par cet étranger et alors qu'elle se retournait pour me servir ma boisson, l'homme pris la fuite à toute vitesse et le temps qu'elle s'en rende compte il était déjà loin, elle sortit de l'établissement et rentra tout de suite l'air dépité.
C'est alors que son père vînt lui parler sous le regard de la salle, il prit alors la parole « Tu as voulu accueillir les Glauque ici, voilà ce que tu récoltes. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même!» et elle répliqua avec toute la fougue dut a notre jeunesse« Premièrement on dit Quartz, pas Glauque. Ensuite, tes propos sont honteux. Les cendres ne sont pas voleurs peut-être ? Ce sont tous des saints, évidemment... »
Le vieil homme partis alors, avec un air mis-amusé mis-frustré, tandis que la jeune fille repartit derrière son comptoir la mine renfrognée.
Alors que les discussions sur l'incident allaient bon train dans la taverne, un homme d'une voix forte dis à son camarade « Ha si les pacificateurs étaient là ça ne serait jamais arrivé. » A ces mots la jeune fille lui lança un regard noir et je suis sûr que si la bienséance ne l'avait retenue elle lui aurait lancé le verre qu'elle avait à la main en pleine figure. A la vue de cette réaction je décidai de prendre la parole, afin d'en savoir plus « Qu'avez-vous ? Vous n'êtes pas d'accord avec cet homme, pourtant il n'a pas tord, tous ces étrangers, sont là tels des sangsues, à pomper nos ressources, vous en avez eu l'exemple tout à l'heure n'est il-pas ? Heureusement que quelques-uns sont encore là pour lutter afin de préserver notre société de ces parasites, quel dommage que les pacificateurs doivent se cacher, ce qu'ils font est si utile pour nous, c'est une honte qu'ils doivent se cacher afin de nous protéger de la racaille ! »

Elyn était fâchée de la réaction de son père; qu'il s'agisse d'une manœuvre ou d'une pensée propre, elle avait honte de n'avoir pu lui faire entendre son point de vue. Depuis le temps que l'établissement avait largement ouvert ses portes aux Quartz, elle pensait que ses parents avaient revu leur jugement.

« Ha si les pacificateurs étaient là ça ne serait jamais arrivé. » Cette phrase s'était échappée au milieu des conversations privées relatant l'évènement. La jeune femme serra le verre qu'elle tenait dans la main et lança à l'agitateur un regard de tueur. Elle aurait préféré lui répondre, mais elle se savait les nerfs trop a vif pour riposter intelligemment. Elle décidait de servir le jeune homme qui lui avait commandé cette hydromel, lorsque celui-ci prit la parole. « Qu'avez-vous ? Vous n'êtes pas d'accord avec cet homme, pourtant il n'a pas tord, tous ces étrangers, sont là tels des sangsues, à pomper nos ressources, vous en avez eu l'exemple tout à l'heure n'est il-pas ? Heureusement que quelques-uns sont encore là pour lutter afin de préserver notre société de ces parasites, quel dommage que les pacificateurs doivent se cacher, ce qu'ils font est si utile pour nous, c'est une honte qu'ils doivent se cacher afin de nous protéger de la racaille ! » Pendant qu'il prenait par à la discussion, Elyn le regardait droit dans les yeux. Si elle avait posé son verre brutalement, elle tentait de garder la tête froide. Son père avait cherché la joute verbale, il venait de la trouver. « Ces étrangers ! Quelle formule aisée ! Je vous rappelle que le roi Onchêne a fait ouvrir les portes d'AnkNor pour eux, leur a dédié un quartier. Si le roi les accepte, nous n'avons aucune raison de les considérer autrement.» La jeune serveuse se tenait face à lui, appuyé contre le comptoir sur ses avant-bras, elle le toisait. « Par ailleurs, il serait tant d'arreter de voir en eux des... comment dites-vous déjà ? Ah oui, des sangsues. Je vous signale qu'ils travaillent autant qu'un cendre dans la cité, et que notre taverne a vu ses revenus augmentés d'un quart depuis que nos portes leur sont ouvertes.»

Les clients, habitués à ces polémiques, avaient déjà cessé leur discussion pour écouter la jeune femme. On entendit d'ailleurs au fond de la pièce, Dame Sylve, commercante bien connue de l'avenue du forgeron renchérir «Ah, pour ça, elle a raison la petite ! J'ai doublé mes ventes. De nouvelles têtes c'est bien utile pour le commerce!» Elyn lui répondait d'un air entendu « Manquerait plus que ces intolérants de Pacificateurs les fasse fuir, et c'est nos commerces feront la grise mine ! Personnellement, j'aimerais qu'on me dise en quoi ils sont si utile ces Pacificateurs. » D'un signe de tête elle encourageait son premier interlocuteur.

Qu'est ce que tu vas nous dire encore comme bêtise? je me ferais un plaisir de te montrer que tu as tord. Qui es-tu pour énoncer pareille chose, et en public! pensait-elle.

Alors que je finissais de livrer ma pensée à la jeune fille, cette dernière posa le verre qu'elle tenait d'un geste brusque et me regarda dans les yeux avec un air de défi, je voyais bien qu'elle luttait pour garder son sang froid, cela m'amusait, la fougue et la passion de la jeune fille était bien connue de tous et je dois l'avouer, j'avais lancé ce débat afin de la voir en colère, car à mes yeux, les femmes sont les plus belles lorsqu' elles se fâchent. A cet instant, elle était splendide, les traits tendus, les yeux enflammés quelle passion chez cet être, tout son corps entièrement tourné vers moi tel un rempart à mes idées. Tout cela était exaltant, mais mes pensées s'égarent je dois l'avouer...
Une fois que j'eu donc fini mon laïus, elle me répondit comme je l'attendais. « Ces étrangers ! Quelle formule aisée ! Je vous rappelle que le roi Onchêne a fait ouvrir les portes d'AnkNor pour eux, leur a dédié un quartier. Si le roi les accepte, nous n'avons aucune raison de les considérer autrement. Par ailleurs, il serait tant d'arrêter de voir en eux des... comment dites-vous déjà ? Ah oui, des sangsues. Je vous signale qu'ils travaillent autant qu'un cendre dans la cité, et que notre taverne a vu ses revenus augmentés d'un quart depuis que nos portes leur sont ouvertes.»
Le silence s'était fait dans la salle, tous les badauds du coin étaient suspendus a notre discussion, c'est alors qu'une vieille marchande prit la parole, dans le sens de la jeune fille évidemment ! « Ah, pour ça, elle a raison la petite ! J'ai doublé mes ventes. De nouvelles têtes c'est bien utile pour le commerce!» Ces femmes toutes les mêmes à ne penser qu'à elle et non au bien commun, enfin cela m'amusait encore plus, j'allais avoir l'occasion de remettre à sa place cette petite effrontée. La jeune serveuse profita de l'intervention de la vieille pour reprendre la parole « Manquerait plus que ces intolérants de Pacificateurs les fasse fuir, et c'est nos commerces feront la grise mine ! Personnellement, j'aimerais qu'on me dise en quoi ils sont si utile ces Pacificateurs. » Elle me fit alors signe de la tête de continuer, je n'allais pas me gêner et elle se tenait en face de moi avec dans ses yeux toujours ce petit air de défi, que je trouvais très séduisant...

« Et bien jeune fille et vous vieille femme, certes le roi a ouvert les portes de sa ville à ces gens là, mais ce n'est que par pure bonté et il ne vit pas avec eux, il est bien à l'abri dans son palais loin de la vie du peuple mêlé a ces animaux ! Et vous, qui vivez avec eux jours et nuits, vous voyez bien les méfaits et le mal qu'ils apportent sur la ville, d'un côté ils achètent nos produits de l'autre ils volent notre argent une fois la nuit venue alors que nous dormons du sommeil du juste ! » Alors que je livrais ma pensée je la regardais droit dans les yeux elle était là impassible, m'écoutant patiemment. « Je suis un perle, je porte la robe d'ingénieur j'ai participé à la construction du quartier des Quartz et désormais lorsque j'y retourne, je ne trouve là bas que puanteur et maraudeurs, qui sont prêt a tout pour vous faire les poches ! » en terminant mon discours je m'étais levé de ma chaise et l'on voyait bien qu'une grande partie de la salle abondait dans mon sens et soutenait mes idées « Et c'est pour cela que j'admire et que je soutiens les Pacificateurs, que cela vous plaise ou non ! » dis-je en me rasseyant lentement, avec un air de provocation destiné à la tavernière.

Elyn était impatiente. Elle brûlait de savoir quel homme se trouvait en face d'elle. Habituée a croiser toute opinion politique dans la taverne, la petite cendre n'avait pendant longtemps jamais répondu aux provocations. Mais cette époque était révolue. Elle avait pris de l'âge et du courage, et elle se sentait prête à ne pas laisser dire des horreurs dans l'établissement familial.

Elle regardait attentivement celui qui s'était posé dès le début de la conversation comme un adversaire. Il semblait aussi jeune qu'elle, mais il avait cette suffisance qui, doublé par sa tenue, signifiait à la jeune fille qu'ils n'avaient pas grandi dans des conditions semblables. Elle eut d'ailleurs bien vite confirmation de cette impression, lorsque celui-ci lui répondit.

« Et bien jeune fille et vous vieille femme, certes le roi a ouvert les portes de sa ville à ces gens là, mais ce n'est que par pure bonté et il ne vit pas avec eux, il est bien à l'abri dans son palais loin de la vie du peuple mêlé a ces animaux ! Et vous, qui vivez avec eux jours et nuits, vous voyez bien les méfaits et le mal qu'ils apportent sur la ville, d'un côté ils achètent nos produits de l'autre ils volent notre argent une fois la nuit venue alors que nous dormons du sommeil du juste ! » Elyn écoutait ici un discours entendu déjà cent fois, et infondé. Faisant bonne figure face à son adversaire, la jeune femme cachait l'indignation que ces propos venaient de faire gronder en elle. Les yeux dans les yeux, ils s'affrontaient aussi bien physiquement que verbalement.
« Je suis un perle, je porte la robe d'ingénieur j'ai participé à la construction du quartier des Quartz et désormais lorsque j'y retourne, je ne trouve là bas que puanteur et maraudeurs, qui sont prêt a tout pour vous faire les poches ! » Elyn eut un sourire. Elle voulait paraître amusée de ce comportement. Le jeune perle en effet, répondant au défi de la petite serveuse, s'était levé pour tenir haut et fort des paroles glacées de ce qu'Elyn pensait être le fanatisme. « Et c'est pour cela que j'admire et que je soutiens les Pacificateurs, que cela vous plaise ou non ! » La jeune femme se demandait un instant si celui-ci n'était pas plus qu'un simple admirateur du groupe obscur. Elle tenait cependant toujours son sourire, accroché aux lèvres.

Elle laissa son interlocuteur s'asseoir confortablement. Il ne manquera pas une miette du spectacle..pensa-t-elle. « Monsieur crois donc connaitre la vie des cendres. La vie des Quartz aussi. Commencez donc par faire votre travail correctement, car si vous avez participé à la construction du quartier Quartz, autant vous dire qu'il n'y a pas de quoi se vanter ! Construit en un temps record, dans des matériaux plus pauvres et un espace plus restreint encore que les rues cendres, vous voudriez que les Quartz acceptent ses conditions ? Quand à la puanteur du quartier, il aurait en tant qu'ingénieur fallu y réfléchir avant ne pensez-vous pas ? Qu'avez vous fait des évacuations d'eau qui sont disponibles dans cette grande rue riche et fréquentée de la ville Cendre, mais qui demeurent absentes ailleurs ?» Elle s'arreta l'espace de deux secondes, rapprochant son visage de la Robe Ingénieur à qui elle formulait un véritable procès.« Au vue des constructions de la ville Cendre, il est certain qu'une chose vous échappe monsieur lorsque vous et vos semblables, exercez votre travail : vous avez le pouvoir d'organiser la vie des gens, de régler leur problème, et de faire disparaitre les inégalités. Or vous n'avez fait que creuser un sillon connu depuis des siècles ; ce préjugé qui veut que les Quartz soient une race inférieur, ou en tout cas différente. Mais cela va de paire avec votre intolérance. »La jeune femme reculait un instant, elle devait continuer le sien, de travail. Essuyez des verres n'étaient certes pas l'occupation la plus intéressante qui soit, mais la taverne ne cessaient de se remplir. Essuyant les verres qu'on venait de lui apporter, elle dit cette dernière phrase « Si avant même leur arrivée, vous faites en sorte qu'ils ne se sentent pas comme nous, qu'ils ne se sentent pas chez eux, alors ne vous étonnez pas quand certains réagissent comme vous l'aviez prévu.»

La salle était plongée dans un profond silence. Peut-être chacun réfléchissait aux différents points de vue qu'avait soulevé la conversation. Peut-être aussi, attendaient-ils une relance de la parle du jeune Perle. Sans doute, voulaient-ils, à un moment donné, déclarer un champion.

Cette journée avait commencée comme toutes les autres. Jasson s’était levé, en retard, avait couru pour se donner bonne conscience, s’était excusé auprès des grandes icônes de son ordre, et avait accueilli les premiers croyants en guise de Conseil ; des femmes perles pour la plupart, car il fallait bien avouer que l’ordre au service de Kaïa était aussi fermé qu’une huître, ce qui faisait que les cendres venaient rarement ici. Malgré toutes les lois votées et promulguées par le roi, l’hypocrisie siégeait encore ici, au grand regret de Parlevent Junior. Bref, tout se déroulait selon l’Habitude qui rythmait sa vie, et même si parfois l’aventure ébranlait son cœur, la tranquillité liée à sa sagesse le rattrapait bien vite.

Seulement, ce matin, Jasson était distrait. C’est d’une seule oreille qu’il écoutait les propos d’une vieille femme, visiblement affolée par on ne sait quel cataclysme qui lui avait été révélé dans ses nuits. « Une folle de plus… » songea le prêtre. Il en aurait presque levé les yeux aux ciels. Bien nombreux étaient ceux qui se croyaient touchés par Kaïa, qui pensaient qu’ils étaient détenteurs d’un important message délivré par la déesse. Mais en réalité, très peu étaient les réels messagers de la divinité. Il s’ennuyait, et pensait à tout autre chose. Sourire en coin. Il fallait absolument qu’il la revoit !

Le soleil était haut dans le firmament, ce qui signifiait qu’on était à mi-journée. Jasson, convaincu qu’il serait inutile en cette heure, et sachant pertinemment que tant qu’il n’aurait pas résolu ce qui le travaillait son esprit ne trouverait aucun repos, quitta la chapelle. Destination ville cendre. Il avait gardé sa robe, et lorsqu’il traversa l’entre deux, les regards se firent inquisiteurs. Que faisait-il ici ? Toute perle ici n’était que mauvais présage pour les cendres ; trop longtemps ils avaient vécu dans la peur de la caste supérieure ; trop longtemps ils s’étaient considérés comme impuissants, et aujourd’hui, aujourd’hui ils comprenaient qu’on les avait bernés, et à leur méfiance s’ajoutait une colère sans pareille. Dure vie, dur destin pour un peuple divisé. Soupir intérieur, il y avait tellement de travail ici ; au moins Jasson n’avait pas à s’en faire pour ceci. Pressé intérieurement, sa démarche restait naturelle. Il se souvenait le côté très inhabituel de leur rencontre, se souvenait l’humour très piquant qu’elle possédait ainsi que son culot. Tout cela l’avait émerveillé. Non pas qu’il ait des vues sur cette jeune femme, mais plutôt qu’il découvrit ici une nature beaucoup plus indépendante chez les femmes qu’il croyait inexistante. A force de côtoyer les perles, il s’enfermait lui-même à vrai dire.

Il entra dans la taverne, un peu tendu, car il n’était pas dans son milieu habituel. Tout ce qu’il observait était nouveau pour lui, dehors comme dedans, et même sa curiosité sans limite n’avait su venir à bout des découvertes. Chaque seconde, il ouvrait grand les yeux devant tel objet, tel vêtement, tel mot. Ah ! Diversité lui procurait bonheur. Il aurait dû venir bien plus tôt.

Il la repéra rapidement.
A cette heure de pointe, c’était une danse frénétique qu’elle exécutait. Sans oser la déranger, il s’assit à une table pour la dévisager de loin. Ici, il semblât que son côté intrépide n’existait pas. Elle n’était que la serveuse d’une taverne, et non la cendre qui rêvait de gloire. Concentrée, elle ne le remarquait pas, mais Jasson ne pouvait s’en offusquer. A chacun son travail… Soudain, la scène s’agitât. Ce qui était une seconde auparavant un lieu empli d’une joie bruyante devint soudain le théâtre d’un interdit trop souvent pratiqué. Le vol. Un seul geste pouvait avoir bien des significations, mais lorsqu’on empoignait de la nourriture et qu’on prenait la poudre d’escampette, il n’y en avait plus qu’une seule. Jasson fit la grimace, conscient que s’il croisait un jour le chemin de cet homme il aurait à lui apprendre les bonnes manières à travers la foi. Mais il en doutait fort ; c’était un Quartz, et ces gens là vivaient marginalisés des Jurilans. Si on ne voulait pas d’eux, peut-être qu’eux-mêmes refusaient de se mêler au peuple…

S’ensuivit une violente discussion. Innocent spectateur, Jasson se concentra sur la scène qui s’envolait bien vite vers un discours politique. Qu’en était-il des Quartz ? Qu’en était-il de leur place au sein de cette société ? Devait-on leur en laisser une, d’ailleurs ? La confrontation opposait la jeune femme qu’il était venue chercher à un jeune homme qui s’était affirmé perle. On comprenait sans étonnement aucun quelle était la position de chacun, et, muet, le prêtre assistait au débat sans prendre position. A vrai dire, la discussion était à ses yeux intéressante et méritait toute son attention. Lui-même ne savait trop quoi en penser, et les arguments avancés par les deux protagonistes avaient de quoi être convaincants. Jasson se fit oreille et oublia qu’il avait une bouche pour parler. Sagesse voulait aussi dire savoir reconnaître lorsqu’on ignore. Ses yeux étaient fixés sur sa nièce passée, et il devinait par la même occasion un peu de son caractère.

Elyn.
C'était à cause de son invitation qu'il était venu.

La jeune femme ne se fit pas prier, et c’est dans un élan de passion mêlé de détermination farouche qu’elle répondit à mon monologue. . « Monsieur crois donc connaitre la vie des cendres. La vie des Quartz aussi. Commencez donc par faire votre travail correctement, car si vous avez participé à la construction du quartier Quartz, autant vous dire qu'il n'y a pas de quoi se vanter ! Construit en un temps record, dans des matériaux plus pauvres et un espace plus restreint encore que les rues cendres, vous voudriez que les Quartz acceptent ses conditions ? Quand à la puanteur du quartier, il aurait en tant qu'ingénieur fallu y réfléchir avant ne pensez-vous pas ? Qu'avez vous fait des évacuations d'eau qui sont disponibles dans cette grande rue riche et fréquentée de la ville Cendre, mais qui demeurent absentes ailleurs ?» A cet instant elle marqua une pause, puis repris son discours de plus belle. « Au vue des constructions de la ville Cendre, il est certain qu'une chose vous échappe monsieur lorsque vous et vos semblables, exercez votre travail : vous avez le pouvoir d'organiser la vie des gens, de régler leur problème, et de faire disparaitre les inégalités. Or vous n'avez fait que creuser un sillon connu depuis des siècles ; ce préjugé qui veut que les Quartz soient une race inférieur, ou en tout cas différente. Mais cela va de paire avec votre intolérance. » Tout en me parlant, elle continuait son travail au comptoir et cela me fit penser que moi aussi je n’avais plus de temps pour tout ces bavardages, et me rendant compte que la conversation ne mènerait nulle part je décidais dès alors de partir. D’une oreille distraite, j’entendis qu’elle avait finis son plaidoyer et la salle fut alors plongée dans un silence de cathédrale, certainement que les badauds présent réfléchissaient au propos qui venaient d’être tenus.

Je me levais donc, et pris la parole pour mettre fin à tout cela et repartir en ville « Et bien puisque vous vous plaignez de mon travail jeune fille, sachez que je fais toujours mon maximum, même pour ce quartier là, je suis un homme intègre et avant de juger ce que j’ai fais, sachez qu’en tant que fille de tavernier vous ne comprendrez jamais le fruit de mes efforts, de plus vous vous plaignez de la qualité des matériaux, mais jeune inconsciente je fais ce que je peut avec ce que l’on me donne, et je suis fier du résultat. » Alors que je m’apprêtais a quitter la taverne je finis et conclus la discussion tout en refermant la porte « En ce qui concerne les étrangers, pourquoi ferais je des efforts pour accueillir ces parasites ? » alors que je me retrouvais dans la rue bondée, j’était satisfait du petit effet de ma sortie et de plus j’étais amusé de ce petit débat qui avais été tout à fait revigorant. Alors que je pensais encore a ce qui venait d’arriver je me dirigeais vers les quartiers nord où un chantier m’attendait, à cet instant je me sentais bien et fort de mon succès dans ce débat face à la jeune fille je savais que la journée allait être joyeuse. Mais ce soir comme chaque nuit, la peine reprendra le dessus…